Yolande Obadia
PRÉSIDENTE DE LA FONDATION MÉDITERRANÉE INFECTION
&
Serge Borsa
IHU
Héritier d’une longue tradition marseillaise de prise en charge des maladies dites « tropicales » et plus généralement des maladies transmissibles, l’IHU Méditerranée Infections s’est inscrit dès sa création en 2011 à la suite d’un appel à projets national hautement compétitif, dans une volonté de l’État de créer, au sein des CHU, des pôles d’excellence combinant recherche, soins de pointe et contribution à la santé publique. Abrité depuis octobre 2016 dans un nouveau bâtiment spécialement conçu à cet effet, les activités de l’IHU regroupent ces trois volets d’un projet collectif dont l’ambition explicite est de construire un pôle national et international de références pour les maladies infectieuses et la gestion des épidémies.
Les données scientifiques, médicales et éducatives accumulées depuis le lancement de l’IHU démontrent que celui-ci est d’ores et déjà reconnu comme une telle référence tout en restant profondément ancré sur le terrain dans sa ville de Marseille et sa région Sud (ex Provence-Alpes-Côte d’Azur).
L’évolution dans le temps de ces mêmes données démontrent de plus que le modèle de l’IHU a permis une amélioration très significative de ses performances tant en matière de production scientifique que d’améliora- tion de la qualité des soins. Quant aux données économiques et financières, elles confirment le succès avec une fondation en charge de l’IHU structurellement équilibrée et un pôle médical de l’Assistance Publique de Marseille dégageant des excédents d’exploitation. Le succès de cette phase de démarrage a indéniablement été permis par une gouvernance forte, par la mise en place de règles collectives rigoureuses de fonctionnement et par des partenariats externes fructueux avec l’Université, l’AP-HM, les collectivités territoriales et bien sûr les pouvoirs publics nationaux ses partenaires. Désormais, les mots qui résument le mieux les perspectives de l’IHU sont CONSOLIDATION, ÉQUILIBRE et OUVERTURE.
La consolidation scientifique passe par une meilleure valorisation de ses activités et une ouverture des plate-formes technologiques. Elle aura une
incidence sur la consolidation de ses recettes et permettra avec le développement de la formation de conforter le partenariat avec l’État et plus précisément avec l’Agence Nationale de la Recherche.
L’équilibre des comptes du pôle passe également par une consolidation de ses relations avec l’AP-HM, démarche initiée avec la fondation mais pas encore avec le pôle médical. Toutes ces évolutions devront se traduire par une gouvernance collégiale élargie aux différentes composantes afin de concilier la nécessaire autonomie d’un projet médical innovant et l’ouverture à des partenariats indispensables pour renforcer un rayonnement bénéficiant aux acteurs de ce projet.
Cette ouverture touche toutes les dimensions nationales, méditerranéennes et européennes des projets de recherche de soins et d’enseignement. L’Histoire nous rappelle que les maladies ne connaissent pas de frontières et qu’aucun contrôle administratif ne peut constituer une barrière contre les épidémies (peste de Justinien en 541, peste de Caffà en 1347-8 et la plus récente peste à Marseille en 1720 après celle de 1347 et de 1580). Cette ouverture touche à la fois le soin comme la recherche comme le démontre le succès de THETIS (regroupement des universités euro médite- ranée) mais aussi le développement de nombreux programmes de recherche.
Lors de la pandémie de Covid-19, l’IHU Méditerranée Infections est le seul centre français à avoir proposé et mis en œuvre une stratégie de dépistage massif du SARS-CoV-2 et de prise en charge des cas confirmés positifs et de leur entourage tant sur le plan individuel des soins que pour le contrôle populationnel de l’épidémie. S’il a indéniablement suscité de vives polémiques, en particulier dans notre pays, le protocole de traitement systématique dès le diagnostic introduit à l’IHU a permis une importante réduction de la gravité de la maladie chez les personnes infectées et de limitation de sa diffusion à l’échelle de la ville de Marseille et du territoire. Au travers de cette expérience unique, l’IHU Méditerranée Infections est devenu une référence planétaire inspirant la réponse à l’épidémie d’une majorité mondiale des professionnels de santé et de très nombreux gouvernements et acteurs de la santé publique.
Au-delà de l’expérience propre à l’AP-HM la création de l’IHU interroge l’ensemble des CHU. Par construc- tion, ceux-ci sont censés répondre à plusieurs objectifs : enseignement, recherche, référence en matière d’ac- tivités de soins mais également soins de proximité, de recours territorial et régional.
L’évolution du progrès médical, la recherche de nouvelles compétences se heurtent désormais aux règles qui hier avaient fait le succès de la réforme Debré lors de leur création dans les années 1960. Tous les services des CHU sont-ils universitaires ? Comment garantir l’excellence de certains dans tous ces domaines tout en admettant que d’autres ne sont pas en mesure d’exercer ces multiples missions de la même façon ? Par exemple, les services, départements et structures autour desquelles s’organise un CHU sont multiples, très certainement trop nombreuses, et pourtant chacune exige de disposer de la plénitude des activités de recherche alors que l’analyse des services démontre qu’il y a globalement des niveaux de recherche différenciés entre les CHU et à l’intérieur de chacun d’eux, allant d’une recherche accompagnant l’activité clinique qui existe partout à services ayant atteint un niveau de compétences et de travaux à vocation interrégionale, et enfin à un nombre limité de centres, dont notamment les IHU, qui constituent des références internationales et de ce fait doivent jouer un rôle clé dans la structuration nationale et européenne de la recherche.
Cette leçon que l’IHU propose à la réflexion sur la recomposition des CHU supposera une refonte de la réforme Debré.