Tribune

Par
Quentin Bériot et Dr Cyril Gauthier
Directeur général d’Unéo et Médecin nutritionniste, porteur de l’expérimentation article 51 EMNO et fondateur du dispositif numérique Nuvee®
Nous avons associé nos expertises en répondant à deux voix aux questions soulevées par l’approche systémique de lutte contre l’obésité.
Quels sont les difficultés et freins actuels ?
CG : L’obésité est une maladie chronique complexe qui souffre encore aujourd’hui d’une stigmatisation alimentée par de nombreux stéréotypes et une méconnaissance tant auprès de la population que des professionnels de santé. En effet, elle impacte les approches thérapeutiques traditionnelles et bouscule les ressources habituellement allouées1. Malgré des évolutions récentes, les protocoles n’intègrent pas encore systématiquement la totalité du parcours associant prévention, éducation thérapeutique, l’ensemble des professionnels de la nutrition et certains traitements.
QB : Ce qui est renforcé d’ailleurs par les effets de mode du digital qui laissent parfois supposer qu’une simple application qui donne des conseils pour mieux manger et pratiquer du sport serait suffisante. En outre, la juxtaposition des dispositifs induit un morcellement des parcours, une problématique de cohérence d’approches, et surtout une inégalité d’accès aux démarches éducatives thérapeutiques ainsi qu’aux innovations. Avec le Dr Gauthier, nous avons souhaité innover en mettant à disposition de nos adhérents, un outil 360° issu d’un article 51. Cette innovation a rencontré un fort succès : 2 300 inscrits en moins de 12 mois.
Comment s’appuyer sur les articles 51 et construire les futurs parcours de soins ?
CG : Les « article 51 » permettent d’évaluer sur le terrain des innovations organisationnelles des parcours. C’est le cas d’EMNO (Espace Médical Nutrition et Obésité) qui entre en phase transitoire avant l’intégration au sein du Parcours coordonné renforcé (art. 46 PLFSS 2024). Cette expérimentation est une organisation de parcours obésité niveau 2 de ville qui permet d’allier des approches médicales interdisciplinaires, médicamenteuses et chirurgicales. Elle adapte le parcours de soins en fonction du profilage et phénotypage numérique du patient et propose un parcours forfaitisé. L’innovation de Nuvee® s’adresse au patient, à sa famille et aux professionnels de santé.
QB : Cette capacité à concevoir des « méta-parcours » de coordination, c’est l’autre innovation de Nuvee® qui permet de s’adapter au contexte du patient, non seulement lorsqu’il rentre dans le parcours, mais aussi tout au long du protocole.
Quelle place pour la prévention et l’éducation en santé ?
CG : Le poids de la prévention dans les comportements reste faible, 7 %, par rapport aux autres types de préventions (surveillance et dépistage 58 %, soins préventifs 35 %). Pourtant, le coût attribuable aux facteurs de risques comportementaux est de loin le plus important. Chaque année, au moins 1,8 million de nouvelles pathologies ou nouveaux traitements sont attribuables à des facteurs comportementaux. Investir dans des actions d’éducation en santé ciblées serait source d’économies significatives tout en diminuant la prévalence de l’obésité, comme des autres maladies associées.
QB : Dans le domaine de la Prévention, pour avoir un véritable impact, les politiques doivent être menées sur le long terme. Or la prévention du risque n’est pas simplement négligée, elle est considérée comme un sujet secondaire. Cependant, au sein d’une communauté donnée, les organismes complémentaires ont un rôle à jouer en matière de prévention. Par exemple, pour les forces armées, Uneo peut inscrire de véritables politiques de prévention sur le long terme. C’est dans ce contexte que nous déployons des accompagnements ad hoc pour la récupération physique et psychologique, pour lutter contre certaines addictions ou pour la prise en charge adaptée des Traumatismes sonores aigus.
Quelles sont les apports possibles du numérique ?
QB : Nuvee®, mais plus largement les plateformes digitales, tout comme les organisations du travail en santé (coordination ville-hôpital, CPTS, MSP, etc.) doivent poursuivre leur déploiement sur la base de dispositifs tant opérationnels qu’économiques qui intègrent la responsabilité populationnelle d’une part et les parcours de soins d’autre part.
CG : Et dans ce cadre, la chaîne prévention-éducation-formation doit en parallèle être consolidée afin de créer une résonance entre ces trois domaines ; c’est ce qui permettra de :
– S’appuyer sur les usages en vie réelle des dispositifs numériques.
– Permettre au numérique de dépasser le « cure et care » avec des approches holistiques.
Sources :
1. Tarifications à l’acte et multiplications sans coordination.