INTERVIEW
Michel Hannoun
Député honoraire de l’Isère
L’Europe a été conçue comme un marché, doit-on aller plus loin et notamment en termes de politiques sociales ?
L’Europe a d’abord été conçue comme un espace de paix, entre les principaux protagonistes de la Deuxième Guerre mondiale et elle a été progressivement élargie, notamment pour prendre en compte les objectifs de démocratisation, pour certains pays, je pense à la Grèce, à l’Espagne et au Portugal notamment. Le marché commun a d’abord été agricole et depuis quelques années la machine s’est emballée. L’Europe est devenue essentiellement un marché de libre échange, à l’intérieur et par rapport à l’extérieur. Ce faisant, il n’y a pas eu d’harmonisation des fiscalités, ni des politiques sociales, induisant, du dumping social et des concurrences « déloyales » (les travailleurs détachés, les subventions à l’installation en Irlande, par exemple). À cela il faut ajouter, l’absence d’une politique économique concertée, au moins de la zone euro, et un élargissement mal maîtrisé, source de beaucoup d’ambiguïtés. Il est clair que la mise en oeuvre d’une politique sociale nécessite quelques préalables : la volonté politique, la fixation d’une frontière stable pour l’Europe et la réalité d’intérêts communs.
Êtes-vous favorable à une harmonisation de la prévention pour l’ensemble des Pays de l’Union européenne, ou encore d’une obligation de vaccination commune au regard d’enjeux de santé publique identique ?
Évidemment une politique de prévention commune est souhaitable, mais encore faut-il préciser de quoi parle-t-on dans ce domaine, dans la mesure où l’on s’aperçoit que les grandes questions liées à la santé, ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre et même parfois d’une pathologie à l’autre. Quant à la vaccination obligatoire, cela peut être un objectif louable, mais qui aurait l’autorité pour l’imposer ? (on connait les difficultés d’application d’une telle mesure en France). Je pense qu’une politique active d’encouragement à la vaccination associée à une pédagogie intensive, peuvent avoir plus d’effets positifs, qu’une obligation mal gérée.
Pensez-vous qu’un SMIC Européen différencié en fonction des capacités économiques de chaque pays, soit un tremplin pour une Europe moins inégalitaire et un rempart face au dumping social ?
La notion de SMIC s’inscrit beaucoup dans la génétique sociale française, est-elle exportable et sur quelle base ? Ce serait tout l’enjeu d’un tel objectif, mais je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de demandeurs, parce que chacun continue de voir midi à sa porte. Plus simplement, le SMIC, serait calculé (et imposé ?) sur le plus petit taux horaire ou sur le plus élevé ? Comment expliquera-t-on aux Français à qui, au nom de l’Europe et d’une hypothétique solidarité, on en viendrait, à baisser, leur SMIC. Je ne crois pas que cela serait de nature à supprimer le dumping social, qui est aussi bien à l’intérieur de l’Europe qu’en provenance de l’extérieur. Par ailleurs, je rappelle que la Suède dont on vante régulièrement la politique sociale n’a pas de SMIC.