INTERVIEW
Philippe Durand
Directeur Général de CAPIO France
Les établissements de santé privés n’ont pas été directement intégrés aux processus de modification du paysage hospitalier français via la réforme des GHT, souhaitez-vous y être associé ?
La création des GHT est un pas en avant dans la reconfiguration de l’offre hospitalière publique. L’offre hospitalière privée s’est déjà largement restructurée, sans outil juridique particulier et souvent sans accompagnement financier. A titre d’exemple, chez Capio France nous serons passé de 26 à 18 établissements entre 2010 et 2019 suite à des regroupements de plateaux techniques qui ont permis d’améliorer l’offre tout en étant plus efficace. Certains regroupements ont d’ailleurs fait l’objet de coopérations public/privés (GCS de cardiologie du Pays Basque avec l’hôpital d Bayonne) ou privés/PSPH (Médipôle Lyon Villeurbanne avec la Mutualité). Ces opérations de rapprochement entre le privé et le public devront se poursuivre car pour offrir un service moderne au patient il faut atteindre une taille critique pour assurer un très haut niveau d’expérience, donc de qualité. Si la participation du privé aux GHT peut aider, tant mieux, mais je crois qu’il faut surtout une volonté opérationnelle des acteurs et un soutien financier à ces opérations, à la fois lors de leur réalisation et dans la durée.
Le nombre d’actes réalisés en ambulatoire va augmenter selon les études de plus de 10% chaque année, dans le même temps le nombre de médecins de premier recours va lui diminuer de 10% et plus encore dans les territoires les plus isolés. Comment les hôpitaux et plus généralement les territoires de santé doivent-ils s’organiser pour répondre efficacement à cette problématique ?
Avec la réduction du nombre de médecins et plus généralement la réduction de leur temps de travail, la tension risque de devenir très forte, en particulier dans le domaine des soins primaires. Je pense que les nouvelles technologies digitales, couplées à la création de centres de santé territoriaux, doivent nous permettent de révolutionner l’accès aux soins primaires dans les prochaines années. Ces centres pluri-disciplinaires (médecin, infirmier, kiné, nutritionniste, …) auront un véritable rôle d’orientation des patients et de suivi des patients. Bien sûr les données recueillies par les acteurs des soins primaires devront être accessibles à l’hôpital pour assurer une véritable qualité de suivi du patient et l’efficacité des acteurs ! Des initiatives émergent en Scandinavie dans ce domaine et nous devons nous en inspirer !
Quelle est votre vision du financement de la Protection sociale contre le risque maladie et en particulier de la façon dont devrait évoluer le rapport entre le régime obligatoire et les régimes complémentaires ?
Face à l’inflation du coût de la santé du fait du vieillissement de la population,seul un régime obligatoire pour tous permet d’assurer une couverture universelle de la population dans les meilleurs conditions économiques. On sait en effet que la privatisation partielle de la Protection sociale (Etats-Unis, Royaume-Uni) conduit plutôt à une inflation des coûts et parfois à une paupérisation du service public, avec un effet d’ensemble plutôt négatif sur la qualité. Les assurances complémentaires, plus engagées dans le domaine de la Prévoyance, pourraient ainsi utilement intervenir dans le domaine de la prévention et du service non-médical aux patients, très utile pour une population dépendante lorsqu’arrive le grand âge…
L’intelligence artificielle est une véritable révolution pour le monde de la santé, comment va-t-elle impacter notre système de soins ?
Le big data et l’exploitation algorithmique sont à l’évidence gage d’efficacité et d’efficience notamment dans le choix des traitements. Les possibilités sont nombreuses, il ne faut pas avoir peur de ce sujet, ce serait une erreur de laisser l’exploitation des données aux GAFA. Il doit y avoir un sursaut européen car nous avons pris du retard.