INTERVIEW
Etienne Tichit
Corporate Vice-Président et Directeur Général de Novo Nordisk France depuis le 1er octobre
Vous venez d’être nommé à la Direction générale de Novo Nordisk France, entreprise de santé danoise occupant une place de premier rang dans le traitement de diverses pathologies chroniques notamment le diabète. Quelles sont vos ambitions quant à l’évolution du groupe en France ?
Novo Nordisk a construit son succès et développé son expertise en France à travers sa filiale créée en 1959 et son site de production à Chartres créé en 1961. C’est d’ailleurs le deuxième plus important du Groupe et l’un des plus grands sites de production d’insuline dans le monde.
Mon ambition est d’abord de répondre du mieux possible aux besoins des patients par l’expérimentation, la commercialisation et la mise à disposition de traitements et solutions innovantes dans nos domaines d’expertise comme le diabète, l’hémophilie et les troubles de croissance. Parmi les solutions innovantes, dans le cadre du programme gouvernemental ETAPES, nous accélérons notre développement dans le digital par la mise à disposition de solutions connectées ouvrant de formidables opportunités pour aider les personnes atteintes de diabète à contrôler leur maladie.
La France est un grand pays des sciences de la vie et de talents dans ces domaines. Ma volonté est aussi de poursuivre l’ouverture de Novo Nordisk France vers l’international, contribuer au rayonnement de l’expertise scientifique et industrielle française.
Novo Nordisk apporte des réponses aux besoins des personnes atteintes de diabète et d’autres maladies chroniques en élaborant des traitements innovants, pourriez-vous nous présenter les innovations phares du groupe ?
Novo Nordisk innove depuis près de 100 ans dans le traitement des diabètes de type 1 et 2 et les dispositifs d’injection. La société est née au Danemark en 1923, juste après la découverte de l’insuline par Banting et Best. Au cours de son existence, elle a développé de nouvelles formes d’insuline, d’action rapide, ou longue pour répondre à la diversité des besoins et procurer une plus grande sécurité d’emploi. Ainsi, en collant au plus près de la physiologie avec les dernières générations d’insulines, il est aujourd’hui possible d’envisager une mise à l’insuline en réduisant les hypoglycémies de façon notable, de compenser les apports glycémiques au moment des repas et d’envisager des optimisations thérapeutiques avec des schémas simples et des dispositifs plus innovants.
Premier fournisseur mondial d’insuline, Novo Nordisk est aussi un acteur majeur des nouvelles classes d’antidiabétiques comme les analogues du GLP-1 qui offrent à la fois une amélioration significative de la glycémie, une perte de poids trop souvent associée avec le diabète et une protection cardio vasculaire récemment démontrées. D’une forme injectable quotidienne, nous avons su innover et développer une forme injectable hebdomadaire et sommes aujourd’hui les premiers à commercialiser une forme orale autorisée aux États-Unis.
L’expertise de Novo Nordisk s’étend à d’autres maladies métaboliques comme l’obésité et la stéatose hépatique non-alcoolique (NASH) ainsi qu’aux maladies cardiovasculaires. Par ailleurs, notre société occupe une place de premier plan dans le traitement de l’hémophilie et des déficits en hormone de croissance en diversifiant son portefeuille par le développement et la commercialisation de traitements à longue durée d’action pour améliorer la qualité de vie des patients.
Quelles sont les caractéristiques d’une entreprise imprégnée par la culture danoise. êtes-vous différents des autres ?
Novo Nordisk est régi par une fondation privée, qui a pour objectif de financer des projets scientifiques, humanitaires et sociaux, et de constituer un actionnariat stable. C’est un mode de gouvernance qui privilégie la vision à long terme. Ce modèle d’entreprise est très courant dans les pays scandinaves, beaucoup moins en France même s’il commence à s’y déployer.
La culture d’entreprise danoise se caractérise en interne par l’accent fort mis sur le développement de salariés – via la formation professionnelle et l’apprentissage – et par un dialogue social constructif, illustré notamment par le référendum de 2016 à Chartres. Cette initiative pionnière en France, sollicitée par la CFDT, a permis la mise en œuvre dès 2017 d’un projet de nouvelle organisation proposée par la direction du site, permettant de le rendre plus compétitif, pour attirer à l’avenir plus de volumes et plus d’investissements. Par ailleurs, selon notre Novo Nordisk Way, nous souhaitons concentrer notre recherche et nos activités sur le patient en nous assurant des meilleurs standards de qualité, de sécurité et d’éthique.
En externe, cette culture se manifeste par la recherche d’échanges riches et transparents avec nos interlocuteurs : professionnels de santé, pouvoirs publics, payeurs, patients et industriels, avec pour objectif de favoriser l’accès des malades aux traitements les plus innovants. Novo Nordisk est une entreprise ancrée et qui interagit avec son écosystème, notamment associatif et de prévention : la course solidaire organisée à l’occasion de la journée mondiale du diabète mi-novembre à Chartres en donne un bon exemple. Elle a réuni 1 500 coureurs l’année dernière !
Une partie de Novo Nordisk est implantée à Chartres depuis près de 60 ans, quelles ont été les motivations et les raisons de ce choix ?
Novo Nordisk est un acteur du « Made in France » et le premier employeur privé d’Eure-et-Loir avec 1 200 collaborateurs. Le groupe a investi 300 millions d’euros depuis 15 ans pour moderniser et agrandir son site de Chartres, en vue de répondre à la croissance de la demande mondiale. Chaque jour, plus de quatre millions de personnes dans le monde bénéficient d’une insuline produite à Chartres.
C’est une implantation pérenne, motivée au début des années 1960 par la qualité de la main d’œuvre française par son savoir-faire industriel. Le site spécialisé dans la production de cartouches et de flacons d’insuline est dimensionné pour l’avenir, en capacité d’accueillir de nouvelles générations de produits. Novo Nordisk croit en la France ! La politique d’investissement et de formation continue des équipes, menée à Chartres depuis près de 60 ans, en témoigne. La volonté de pouvoir poursuivre cette politique a été réaffirmée par notre Président aux deux premières éditions du sommet Choose France. La France doit rester une terre attractive pour les industries d’innovation comme la nôtre. Nous sommes très attachés à continuer des exportations aux quatre coins du globe avec du « Made in France ».
Les Danois sont-ils plus enclin que les Français à autoriser rapidement la mise sur le marché des nouveautés thérapeutiques ?
Il est vrai, qu’en termes d’accès, le Danemark a réussi à se réformer rapidement. Aujourd’hui, les procédures de mise sur le marché de nouveaux traitements mettent en moyenne 155 jours au Danemark (contre 530 jours en France). Comme souvent au Danemark, la récente réforme du « Growth Plan » a été construite de manière très pragmatique avec les entreprises de santé, pour à la fois dynamiser l’attractivité économique du pays et aussi, permettre un accès optimal et rapide aux patients de nouveaux traitements. En France, le Comité stratégique des industries de santé (CSIS) et la réforme « Ma santé 2022 » permettront, probablement, de faire avancer les choses avec l’engagement de chacun d’entre nous aux côtés du LEEM.