Tribune
Véronique Desjardins
Directrice Générale du CHU de Rouen
Lorsque l’on parle de performance en santé aujourd’hui, que recherche-t-on exactement à désigner, surtout s’agissant de l’exercice hospitalier ?
Le mot est d’ailleurs un peu sulfureux dans la mesure où il peut être assimilé à une recherche d’efficience économique, laquelle peut être appréhendée plus positivement par la pertinence et la qualité des soins.
Être performant en santé peut signifier mieux diagnostiquer, mieux soigner, soigner de façon plus personnalisée, plus précise et c’est d’ailleurs le champ de l’évolution de la médecine vers la médecine de précision.
À ce titre, la performance en santé revêt un aspect d’innovation et non de performance financière. Mais, au-delà, la performance en santé peut renvoyer à la recherche d’un système de santé durable, permettant un accès aux soins pour tous, et à ce titre, on dépasse le champ hospitalier pour se situer sur l’ensemble du champ de l’offre de soins adressée aux Français.
Une troisième approche de la performance du système de santé pourrait être d’évoquer le rééquilibrage, maintes fois prôné entre les soins curatifs et les soins de prévention. L’intégration du mot de prévention dans l’intitulé du ministère de la Santé actuel renvoie également à cette recherche d’une meilleure performance en santé du système de soins.
La performance recouvre, donc, selon le point de vue que l’on adopte, différents champs. En face de cette approche de performance, nous avons, aujourd’hui, un système de santé qui a été très ébranlé par la pandémie Covid et qui, aujourd’hui, est en quête de sens.
Cette quête de sens, garant de l’engagement, représente un gros défi pour l’ensemble des managers, qu’ils soient médecins, paramédicaux, ou administratifs. Pouvoir proposer un objectif de performance qui ait du sens et permette d’engager les équipes de soins sur un chemin d’épanouissement professionnel et de réussite collective me semble être ce qui doit motiver l’action de ceux qui ont la responsabilité d’encadrer des équipes hospitalières.
S’agissant de réussite collective, je l’entends comme la capacité à apprendre, avec confiance et humilité, à surmonter les échecs pour mieux continuer à fonctionner.
L’histoire du progrès médical n’est faite que d’échecs surmontés. Il me semble essentiel, aujourd’hui, que nous puissions partager avec l’ensemble des équipes le fait que reconnaître les échecs, les difficultés, proposer une action collective pour les surmonter et donc progresser, est un enjeu de performance collective qui peut redonner un sens, dont les professionnels de santé réclament qu’il leur soit plus évident.
Il ne s’agit pas uniquement de mesurer la performance par des indicateurs chiffrés. Une équipe heureuse de bien faire son travail, c’est aussi de la performance. Encore faut-il que les objectifs fixés soient atteignables, certes ambitieux, mais qui ne découragent pas des équipes fortement engagées.
Ma conviction est que l’atteinte de la performance, dans les multiples facettes que j’ai pu évoquer, repose sur une approche différente du management. Il ne saurait être question de résumer le management à une démarche de régulation économique, mais c’est bien une démarche d’animation du travail d’équipe pour réussir ensemble.
Étienne Minvielle, dans un article récent paru dans Décisions Santé, qui fait référence à son dernier ouvrage, cite le travail d’équipe, mais aussi l’usage des technologies, des principes de coordination, la gestion des conflits, la réaction en réponse à l’incertitude des crises, la résilience organisationnelle, comme autant de caractéristiques de ce que doit être le management à l’heure actuelle.
Dans la vision d’Étienne Minvielle, le but du management en santé est donc d’optimiser toute action collective, afin qu’elle soit performante. On est donc loin d’une vision libérale de rentabilité, mais on recourt à la recherche de la qualité des soins, de la réduction des inégalités dans l’accès aux soins et dans la qualité des soins reçus, dans la recherche de l’expérience patient et de la qualité de vie au travail des équipes.
Une des propositions largement reprise aujourd’hui est de mieux intégrer les équipes « terrain » à la prise de décision.
Gaëlle Monteiller, qui a co-écrit l’ouvrage Osez manager par l’enthousiasme, donne quelques clés qui reposent sur le principe suivant :
En mettant l’homme au coeur de l’entreprise, qu’elle soit hospitalière ou autre, les résultats dépassent toujours les attentes. Pour elle, « le bonheur est la clé du succès. Si vous aimez ce que vous faites, vous réussirez ». Ce ne veut pas dire renoncer à l’exigence et l’ambition. Pour elle, on ne s’enthousiasme que pour de grands projets, de grandes choses. À côté d’un fonctionnement plus quotidien, il faut pouvoir emmener des équipes vers un projet capable de soulever l’enthousiasme et de fédérer collectivement une équipe. Cela doit se traduire par le partage de valeurs de respect, de confiance réciproque et de responsabilités individuelles et collectives.
En effet, une fois le projet partagé, chacun doit être libre d’y contribuer à sa façon, au niveau de ses compétences et de ce qu’il peut y apporter. C’est dans la confiance partagée que se révèle un climat propice à l’expression de chaque potentiel.
Le rôle du manageur dans la performance exprimée de son équipe est donc primordial et, aujourd’hui plus que jamais, le management est la clé de la performance, quel que soit le projet dans lequel on souhaite l’incarner.
Source : Les nouveaux chemins de la performance en santé – CRAPS et ANAP