Norbert Nabet
Directeur des Affaires Publiques et de la Communication de Nehs
À l’heure où nous rédigeons ces quelques lignes, le système de santé français commence tout juste à appréhender la descente du pic épidémique de la « première vague » du Covid-19.
Si nous ne pouvons que souhaiter que les mesures sanitaires et sociétales mises en œuvre par les pouvoirs publics évitent l’émergence d’une « deuxième vague » à court et moyen termes, force est de constater que cette gestion de crise inédite a mis en lumière une évidence que nous avions peut-être occultée depuis quelques temps : le rôle déterminant des femmes et des hommes qui font l’hôpital.
Nul ne pourra nier que l’institution hospitalière, et ses institutions régulatrices, ont été rapidement dépassées par l’ampleur de la crise et mises en difficulté dans la conduite de la réponse opérationnelle. Et pourtant, l’hôpital a su s’organiser pour prendre en charge les Français, grâce à l’engagement des femmes et des hom- mes qui y œuvrent au quotidien.
Loin des lourdeurs hiérarchiques habituelles et sans attendre que les autorités leur « donnent l’autorisation de faire », médecins, infimier(ère)s, aides-soignant(e)s, cadres de santé, brancardier(ère)s, logisticien(ne)s, directeur(rices), etc. ont réorganisé en profondeur des services entiers, fermé des activités pour soulager leurs collègues, augmenté des capacités pour accueillir des patients dans le besoin, organisé des formations pour pouvoir prêter main forte en sécurité, mis en place de nouvelles répartitions des tâches, coordonné leurs activités avec les autres acteurs de santé du territoire, se sont mis à la disposition des services voisins voire par- fois de l’autre bout du pays…
Avec un mot d’ordre qui a guidé leur action : la confiance des uns envers les autres.
Une confiance et une mobilisation de tous qui a permis de tenir bon face à une crise d’une intensité jusqu’alors jamais vue dans de nombreux territoires. Et si cette confiance a permis de tenir en pleine tempête, pour- quoi ne pourrait-elle pas être la règle du quotidien ?
L’hôpital croule depuis plusieurs années sous les normes centralisées, les autorisations standardisées, les budgets et les tarifs nationaux, les contrôles et les évaluations nationales, les strates hiérarchiques, les déclarations administratives, bref une régulation légistique et égalitaire ? Le système de santé a oublié au gré des réformes et des transformations qu’il était possible et peut être utile de faire confiance aux acteurs de terrain ? À leur sens de la responsabilité en tant que soignants et à leurs intelligences individuelles et collectives ?
Cette crise nous interroge sur l’opportunité de maintenir une régulation rigide, distante et omnisciente sur les activités de santé, qu’elle soit pilotée par l’État ou l’Assurance maladie. Il semble être temps d’alléger pour de bon, et pas uniquement par un étroit canal d’exception (article 51 et task force nouveaux modes de financement) qui ressemble plus a un alibi qu’à un changement de paradigme, le « mammouth normatif » de la santé au profit d’une prise de responsabilité réelle des acteurs de terrain, afin qu’ils s’organisent entre eux et répondent aux enjeux de santé spécifiques de leur territoire.
Nous avons constaté une fois de plus que ces professionnels, à l’échelle du territoire, trouvent ensemble les mécanismes qui fonctionnent, et qu’ils sont différents à Ajaccio, Saint-Flour ou Valenciennes. C’est pourquoi cette prise de responsabilité doit s’accompagner de moyens pour être pleinement exercée, avec un État bienveillant, courageux, stratège et accompagnateur et non pas régulateur.
Il s’agit là plus d’une reconnaissance lucide de la réalité et de la qualité des femmes et des hommes qui font l’hôpital que d’une révolution, mais c’est elle qui nous permettra de reconstruire une organisation de la san- té sur les territoires plus pertinente, plus résiliente au profit d’une seule mission : soigner et prévoir.