Valérie Pécresse
Présidente de la région Île-de-France & Ancienne Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
La recherche médicale et son avenir sont des sujets cruellement d’actualité qui trouvent une résonance particulière dans la période de crise sanitaire que nous vivons. La dépendance des fabricants de médicaments aux principes actifs produits hors Europe, la perte relative de capacité de production de médicaments sur le territoire se sont douloureusement rappelées à nous. Le soutien à la recherche médicale représente un enjeu prioritaire pour la reconquête de notre souveraineté régionale en santé, notre capacité à réindustrialiser nos régions et notre capacité à soigner nos concitoyens.
La France a historiquement été un acteur phare dans le domaine de la médecine. De Louis Pasteur au premier cœur artificiel implanté chez l’homme, notre pays a souvent été pionnier dans le domaine de l’innovation médicale. C’est une force indéniable que nous avons avec une recherche en sciences de la vie toujours internationalement reconnue.
La médecine du futur : une révolution majeure de la recherche médicale
La région doit prendre en compte la révolution qui est en cours dans la recherche médicale avec l’ouverture vers de nouveaux domaines scientifiques, afin d’assurer l’accès aux progrès médicaux pour tous. Le potentiel de la région permet de soutenir une recherche médicale plus interdisciplinaire, ouverte sur des champs nouveaux, au-delà du champ traditionnellement dévolu au seul domaine médical – comme celui du numérique – et de déployer une vision intégrée du concept « une seule santé » intégrant nos environnements, nos modes de vie qui diffèrent d’un territoire à l’autre. La révolution de ce que nous appelons désormais la médecine du futur va bouleverser le paysage. Portée par les grandes évolutions technologiques dans les domaines de la génétique, des objets connectés, du traitement et de l’analyse des données, la médecine de demain refaçonne en profondeur notre façon de nous soigner. Elle implique des évolutions majeures de notre organisation des soins et l’émergence de nouveaux métiers.
La recherche médicale française est aujourd’hui attendue au tournant des défis de la médecine du futur. La Région Île-de-France doit s’en saisir et y apporter une contribution majeure. Elle dispose et se dote des outils nécessaires pour cela comme le contrat de plan État-Région, sa feuille de route « Filières industries de Santé 2021-2023 » ouverte à l’innovation et au numérique, ou encore la création des Challenges Intelligence Artificielle en santé dans lesquelles des start-up sont appelées à traiter des données de santé en lien avec des hôpitaux partenaires, afin d’accélérer le développement de la médecine personnalisée.
La recherche médicale et les enjeux territoriaux
La politique régionale de soutien à la recherche médicale doit se déployer en intégrant les spécificités et les besoins du territoire. Il est fondamental d’avoir une politique de recherche collaborative et participative au plus près des citoyens et des acteurs, publics comme privés. La région connaît son écosystème constitué par l’enseignement supérieur et les laboratoires de recherche, les centres hospitaliers, la médecine de ville et le tissu industriel. Elle a une connaissance approfondie du besoin des acteurs et une capacité de mise en réseau indispensable au transfert des innovations de la recherche médicale d’aujourd’hui vers la population. En Île-de-France, par exemple, avec un territoire très divers, composé à la fois de zones urbaines ultra-denses et de territoires ruraux éloignés du centre névralgique que représente la ville de Paris, notamment en termes hospitalier et de recherche avec des acteurs forts comme l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, nous devons nous adapter et appréhender nos propres enjeux territoriaux pour l’avenir.
Le développement du numérique dans le secteur de la recherche médicale est indispensable pour accélérer l’égalité de l’accès aux soins du meilleur niveau. C’est pourquoi, la région s’est engagée dans le cadre de sa lutte contre les déserts médicaux, à soutenir la télémédecine, avec des solutions innovantes en termes de téléconsultations et de téléassistance. Elle déploie des capacités d’investissements pour les hôpitaux publics et privés de l’ensemble du territoire, afin de développer des capacités de recherche médicale et clinique sur tout le territoire et prendre ainsi en compte le besoin de toutes les populations.
La recherche médicale et le transfert technologique
L’Île-de-France, qui concentre plus de 40 % de la recherche académique française en sciences de la vie, est aussi la région française championne de l’économie numérique. Tous les acteurs de la chaîne du développement des produits diagnostiques et thérapeutiques sont présents sur le territoire. Cependant, on ne peut que constater le faible taux de transformation de l’excellence scientifique et clinique en innovations médicales pour les patients et en projets industriels. En tant que ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, c’est ce défi que nous avons porté avec la création des Instituts hospitalo-universitaires, qui restent, 10 ans après, l’une des grandes réussites du programme d’investissement d’avenir.
Pour la région, les enjeux de la recherche médicale sont également de transformer ce formidable potentiel et les atouts uniques qu’elle possède en valeur ajoutée économique. Nous devons activer tous nos leviers d’action autour de ces enjeux de développement en favorisant le soutien aux PME et startups innovantes et leur faire atteindre le stade d’ETI à visibilité internationale. La région déploie des actions en faveur de l’attractivité pour les entreprises, soutient les plateformes technologiques de pointe ouvertes aux industriels, créée des programmes ad hoc d’équipements scientifiques comme Sésame filières (PIA4 régionalisé). Nous lançons cette année les assises de la bioproduction, enjeu majeur des industriels qui ont besoin des innovations et ruptures technologiques des académiques pour avancer. Chaque région a la capacité de créer les dispositifs adaptés aux besoins de son territoire, de sa population, de son tissu médical, industriel et de recherche.
Je suis convaincue qu’une recherche médicale de pointe, ouverte à l’innovation technologique et sociétale, est le gage de la qualité des soins sur les territoires et de son accès au plus grand nombre. Elle est également source de développement économique et d’emplois pour la région. Ce sont des objectifs qu’il ne faut pas opposer. Pour y parvenir, il faut casser définitivement les barrières entre la recherche médicale et celle en physique, en numérique, en sciences humaines et sociales. Il faut construire les ponts entre acteurs académiques et industriels, entre acteurs du privé et du public, entre le secteur hospitalier et la médecine de ville. C’est difficile, car les acteurs sont nombreux et restent trop cloisonnés.
Le transfert des innovations de la recherche médicale à l’ensemble de la population et le développement du secteur économique lié à la recherche médicale concernent très directement les régions, car elles sont à l’interface de ces différents univers et donc en capacité d’agir et de les mettre en relation. Les régions possèdent des leviers d’actions, de proximité, une agilité et une réactivité que n’a pas l’État. Elles peuvent permettre que tous les acteurs de la recherche médicale jouent la carte de l’innovation et de la collaboration, au service de leur territoire et de ses habitants.