Sophie Labrosse
Senior Adviser Life Sciences à l’Ambassade Royale du Danemark
La recherche médicale au Danemark en quelques chiffres clefs
Le Danemark, pays situé au Nord de l’Europe avec 5,8 millions d’habitants, enregistre depuis dix ans une dépense stable de 3 % du PNB pour la recherche, dont 1,1 % par des budgets publics et 1,9 % financé par le secteur privé. En 2019, la recherche médicale compte pour 38 % dans ces dépenses, avec une hausse très marquante depuis quelques années, due notamment à une augmentation forte de contributions de la part des fondations privées pour la recherche médicale. La recherche clinique danoise se divise en deux axes forts : les essais cliniques et la recherche épidémiologique.
Le Danemark – une seule cohorte
Il est facile de comprendre pourquoi la recherche épidémiologique est un bastion de la recherche médicale au Danemark. Depuis la fin des années 60, les données santé de tous les Danois sont collectées dans des bases de données standardisées et interconnectables grâce au numéro de registre civil, unique et personnel, attribué à tous les Danois à la naissance. La collecte et sauvegarde systématique de tissus et échantillons biologiques humains débute à la même époque. S’y rajoutent aujourd’hui les données génomiques, collectées au sein du Centre génomique danois. Toutes ces bases de données sont ouvertes pour la recherche. Toutefois, l’enjeu principal est la protection des données privées, et sa garantie peut entraîner des délais pour obtenir l’accès aux bases de données. Le projet « OSCAR » travaille sur le développement d’une plateforme sécurisée, qui sera finalisée en 2023. Cette plateforme de données de santé danoises, cryptées et anonymisées, permettra d’effectuer des analyses agrégées rapidement et en toute sécurité et dans le plein respect de la vie privée et des droits des citoyens sur leurs propres données.
Essais cliniques avec le personnel soignant et le patient au cœur
L’autre point fort de la recherche médicale danoise prend son essor dans les essais cliniques. Une demande forte de l’industrie et de la recherche clinique pour simplifier les essais cliniques a mené à la création d’un organisme dédié à la facilitation des essais cliniques, Trial Nation. Sa gouvernance est à l’image de ses utilisateurs une collaboration entre acteurs du public et du privé : des entreprises pharmaceutiques privées, un représentant de chacune des régions (qui administrent les hôpitaux), le ministère de la Santé, le ministère de l’Économie, le ministère de l’Industrie et des organisations de patients comme observateurs. Cette capacité à rassembler les acteurs, à les faire dialoguer, à aligner des objectifs communs est une des clefs de cette bonne coopération et de l’efficacité danoise. Son impact est non seulement ressenti par les chercheurs, mais également par le personnel soignant ainsi que les patients. Trial Nation se positionne en tant que guichet unique, facilitant les démarches administratives et juridiques pour tous, industries et cliniciens, relayant des informations sur les essais en cours, et reliant les différents acteurs. Cette coordination permet d’une part un gain de temps pour le personnel soignant, ce qui leur permet d’intégrer pleinement les nouveaux apprentissages issus des essais, ainsi que de garantir le niveau de soins élevé que nécessitent les patients, et d’autre part une croissance du nombre d’essais au Danemark, dont les premiers bénéficiaires sont les patients.
Le futur – essais cliniques par smartphone
Toujours avec le patient au cœur des préoccupations, facilitée par la connectivité élevée et la confiance des patients danois dans la sécurité des données, la prochaine étape sera les essais cliniques digitalisés. Un des problèmes majeurs des essais cliniques est la lourdeur des visites de suivi médical pour les patients. Entre les temps de transport et d’attente à l’hôpital et les efforts pour le suivi détaillé du traitement, les patients peuvent perdre courage.
Un nouveau projet « Virtual-Clinical-Trials » sur des essais cliniques décentralisés doit ouvrir la voie à un processus plus rapide, plus efficace et impliquant le patient, ce qui réduira à la fois le temps, le coût et la collecte de données pour le développement de médicaments. La clé c’est de ramener l’essai au patient, à travers les smartphones. Au lieu de se déplacer pour les essais, ils poursuivent l’essai entièrement ou en partie à la maison. Le projet est une collaboration unique entre l’industrie, l’hôpital et Trial Nation et repose sur des compétences en développement de logiciels, en recrutement de patients, la télémédecine et la recherche clinique ainsi qu’une connaissance approfondie du cadre réglementaire des essais cliniques. Le projet se concentre pour le moment sur les troubles cutanés et le diabète, qui sont des candidats particulièrement évidents pour la recherche virtuelle. Les maladies dela peau peuvent être suivies objectivement par les patients qui prennent régulièrement des photos de leur peau via leur smartphone. Le diabète est surveillé par une mesure de la glycémie, qui peut être effectuée à domicile.
Toutefois, dans le futur, la digitalisation est menée à transformer tout le domaine des essais cliniques. Le Danemark, avec les patients habitués aux procédures électroniques, son excellente infrastructure de données, et le focus sur la sécurité et la qualité des données, réunira toutes les conditions préalables pour les accueillir.