Tribune

« les institutions de prévoyance entendent prendre toute leur place dans le virage préventif ».

Marie-Laure Dreyfuss
Déléguée Générale du CTIP

S’alimenter de façon plus saine, améliorer son sommeil, se faire dépister, réduire le stress, les risques d’accidents, les addictions ou la sédentarité… Toutes ces actions permettent de se maintenir en bonne santé plus longtemps. Les institutions de prévoyance l’ont compris très tôt. Leur proximité avec les partenaires sociaux ainsi qu’avec les entreprises et les salariés n’est sans doute pas étrangère à cette prise de conscience précoce. Elles ont ainsi développé depuis longtemps des programmes d’actions de prévention, concrets et adaptés aux risques spécifiques à chaque métier sur tout le territoire. Pour cela, elles s’appuient en grande partie sur les accords de branche ou sur ceux conclus au sein des entreprises. Elles ont également été pionnières en matière d’aide aux aidants.

Les actions de prévention favorisent la santé des salariés, le maintien dans l’emploi et la réduction de l’absentéisme : autant de sujets majeurs pour les entreprises.

Selon le dernier baromètre absentéisme de Malakoff Humanis (septembre 2022), les arrêts de travail concernent 40 % des salariés chaque année depuis 2016. Si ce taux s’avère stable, la tendance est à l’augmentation régulière des arrêts longs et des arrêts multiples. Des programmes de prévention adaptés contribueraient sans nul doute à maîtriser ces risques.

Aujourd’hui, tout le monde ou presque s’accorde donc sur la nécessité de réussir une « révolution de la prévention », selon la formule du président Emmanuel Macron à l’aube de son second mandat. Le ministre de la Santé et de la Prévention, François  Braun, a aussi tracé cette feuille de route avec la volonté d’associer toutes les parties prenantes. Le chantier est ambitieux et délicat. Ne plus se reposer d’abord sur la capacité du système de santé à soigner, à indemniser ou à prendre en charge la perte d’autonomie représente un véritable changement de paradigme.

La France est un pays où l’on vit longtemps. Grâce à la qualité et à l’accessibilité de notre système de santé, nous pouvons nous réjouir d’afficher, parmi les 27 pays de l’Union européenne, la plus grande espérance de vie à 65 ans. En 2020, elle était en moyenne de 18,9 ans pour les hommes et de 23 ans pour les femmes.

Cependant, selon un rapport de la Cour des comptes de novembre 2021 consacré à la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, nos seniors ne se maintiennent pas autant en forme qu’ils le pourraient.

En effet, le temps de vie sans incapacité – ou l’espérance de vie en bonne santé – n’est que de 10,6 ans pour un homme de 65 ans en France, soit seulement la 9e  position dans l’Union européenne. Ce temps est de 12,1 ans pour une femme, soit la 7e place européenne. La Cour des comptes conclut : « Une marge d’amélioration reste donc importante […]. Par ailleurs, […] la Cour a calculé qu’un gain d’un an d’espérance de vie sans incapacité représenterait une économie de près d’1,5 Md€ dans les dépenses de l’assurance maladie. »

En Suède, premier pays de l’UE pour l’espérance de vie en bonne santé, un senior vit sans incapacité près de 5 ans de plus qu’en France. L’un des facteurs explicatifs de cette différence réside dans l’orientation du système de soins. En Suède, il est centré sur le préventif, avec 3 % des dépenses de santé consacrées à la prévention. En France, cette part s’élève à moins de 2 %.

Développer davantage une culture préventive permettrait non seulement de vivre mieux, mais aussi de retrouver les marges de manœuvre nécessaires face aux défis que doit relever notre système de soins : déserts médicaux, vieillissement de la population, etc.

Le virage préventif fera aussi naître de nouveaux métiers et de nouveaux rôles, par exemple en développant le soutien aux aidants familiaux qui s’occupent de leurs proches âgés ou handicapés. Parce que la prévention doit être présente à toutes les étapes de la vie, et qu’elle exige des changements de comportements et d’organisation importants, une telle transformation ne peut réussir sans un dialogue dans la durée entre les différents acteurs. Il permettra d’établir confiance et consentement pour co-construire et soutenir des solutions et des services innovants ou tirer parti des données de santé afin de bâtir des programmes de prévention efficaces et adaptés.

Fortes de leur expérience et de leur engagement, et en s’appuyant sur le dialogue social, les institutions de prévoyance entendent prendre toute leur place dans le virage préventif, grâce à leur proximité avec le « terrain » et l’esprit de co-construction avec tout l’écosystème de santé qui les a toujours animées.

Source : Les nouveaux chemins de la performance en santé – CRAPS et ANAP