TRIBUNE
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Une orientation des pouvoirs publics vers un portail numérique commun plutôt qu’une agence unique du recouvrement ?
Une réflexion importante est en cours au niveau des pouvoirs publics concernant la simplification du recouvrement fiscal et social.
Dans ce cadre, Monsieur Alexandre Gardette (Administrateur général des finances publiques) a été chargé en octobre 2018 par Monsieur Gérald Darmanin (ministre de l’Action et des comptes publics), Madame Agnès Buzyn (ministre des Solidarités et de la Santé) et l’Acoss de rédiger un rapport à ce sujet. Les premières orientations ont été présentées au Sénat en février 2019. Le champ du rapport porte sur les prélèvements obligatoires (impôts, taxes – ex : TVA – et cotisations sociales). L’enjeu financier est important car les prélèvements obligatoires représentent, en 2017 en France, 1 038 milliards d’euros, soit 45,3 % du PIB.
La volonté de simplification s’appuie sur un constat essentiel : un nombre important d’opérateurs s’occupent du recouvrement des prélèvements obligatoires auprès des entreprises et des particuliers, impliquant de multiples interlocuteurs pour les usagers. Le rapport du Comité Action Publique 2022 (CAP 2022) publié au printemps 2018 en recensait 250, pour plus de 600 prélèvements différents. Ces opérateurs sont polarisés, pour la partie fiscale, autour de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), qui collecte 80 % de la masse des impôts et taxes, et de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI), et, pour la partie sociale, autour de l’Acoss, qui recouvre 72 % des montants de cotisations sociales.
La réflexion en cours sur cette future réforme couvre plusieurs objectifs :
1. Simplifier réellement les démarches des usagers, entreprises et particuliers, avec la mise en place d’un interlocuteur unique (ex : communication d’un changement de situation, harmonisation des démarches, demande unique en cas de difficultés de paiement, sollicitation d’une information).
2. Améliorer le taux de recouvrement des prélèvements obligatoires : les perspectives d’amélioration portent essentiellement sur les procédures de recouvrement forcées qui sont à ce jour très différentes entre la sphère sociale et la sphère fiscale et qu’il serait d’intérêt d’uniformiser et d’adresser de manière globale. Par ailleurs, bien que les taux d’encaissement de l’Acoss, la DGFiP et les Douanes soient déjà très élevés (de l’ordre de 98 à 99 %), eu égard aux masses en jeu, une amélioration de dix points de base (0,1 %) permettrait de collecter quelques dizaines de millions d’euros supplémentaires.
3. Opérer des gains de gestion pour le service public avec la réduction du nombre d’agents publics et le redéploiement d’une partie des effectifs sur d’autres missions. Par ailleurs, la simplification du recouvrement devrait permettre de faire des économies plus particulièrement pour les petites taxes qui ont un coût de gestion élevé. Une meilleure organisation du recouvrement sur la base d’une vision globale permettrait aussi d’améliorer la lutte contre la fraude.
La mise en place d’une Agence unique du recouvrement à l’échéance de 2022 avait initialement été évoquée par le Ministre Gérald Darmanin. Toutefois, l’étude d’Alexandre Gardette souligne la difficulté d’une fusion organique des opérateurs actuels avec la présence de fonctionnaires d’État et de salariés de droit privé qui rend cette opération très délicate.
Des solutions intermédiaires seraient privilégiées, avec trois pistes envisagées qui peuvent être complémentaires :
1. Aller plus loin dans l’unification du recouvrement autour des opérateurs Acoss et DGFiP pour chacune des deux sphères (sociale et fiscale). Des actions sont déjà engagées en ce sens :
• Pour la sphère sociale : la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » dite Pénicaud, adoptée l’été dernier, prévoit le transfert du recouvrement de la contribution à la formation professionnelle des organismes de formation professionnelle (anciens OPCA) vers les Urssaf. Le recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants a également été transféré aux Urssaf (cf. suppression du RSI).
• Pour la sphère fiscale : plusieurs transferts du recouvrement de taxes douanières, telles que la taxe générale sur les activités polluantes, ont été prévus dans la loi de finances pour 2019 ; la question du transfert, vers la DGFiP, d’autres taxes des Douanes ou de petits opérateurs publics reste à venir.
2. Développer des services communs sans fusionner les opérateurs avec l’harmonisation des procédures et une plus forte interaction des administrations entre elles.
3. La création d’un portail informatique unique sur lequel les entreprises, et éventuellement à terme les particuliers, pourraient faire leurs démarches et obtenir une compensation des créances et des dettes. Ainsi, lorsqu’une entreprise doit payer des cotisations sociales et récupérer un crédit de TVA, une compensation pourrait être prévue. Il s’agirait d’offrir une couche unifiée de services sans fusionner les réseaux. Dans cette hypothèse, les réseaux des Urssaf et de la DGFiP resteraient distincts et continueraient d’évoluer sur leurs champs respectifs (social et fiscal) avec des procédures harmonisées.
Ces perspectives ouvrent la question de l’articulation avec les portails déjà existants comme Net-entreprises. En effet, le portail Net-entreprises, créé en 2000, est le portail de référence pour les formalités déclaratives des entreprises. Le nombre de déclarations transitant par Net-entreprises s’est développé rapidement et continue à croître de façon significative : 22 millions en 2012, 27 millions en 2014, 38 millions en 2016, 42 millions en 2017. Parallèlement, le nombre d’entreprises inscrites a crû fortement et aujourd’hui quasiment toutes les entreprises de France et tous les tiers-déclarants sont inscrits et utilisent Net-entreprises. C’est d’ailleurs via ce portail numérique que les entreprises déclarent la DSN qui véhicule à la fois les éléments nécessaires au recouvrement des cotisations sociales obligatoires par l’Acoss ainsi que le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu à destination de la DGFiP depuis janvier 2019.
La volonté de réformer et de simplifier les modalités de recouvrement est une réelle opportunité, encore faut-il ne pas hésiter à s’appuyer sur les services existants qui fonctionnent déjà et ont fait leurs preuves pour créer l’adhésion des usagers et maîtriser les dépenses publiques dans un contexte budgétaire contraint.