Tribune

« Le secteur de l’assurance a peut-être dépassé le point le plus élevé de la gaussienne »

Par
Marie Chabaud
Directrice de Cabinet et de la Vie Institutionnelle d’Unéo, Bien plus qu’une mutuelle

Venum, c’est le nom d’un mouvement de MMA (Mixed Martial Arts), le premier du genre à se développer réellement en France. Le sport de combat où tous les coups sont permis prend donc assise chez nous. Qualifié de « sport sanglant, brutal et répugnant » dans les années 90, quasiment interdit pendant plusieurs années sur le territoire américain, il fait désormais des records d’audience partout dans le monde et attire de plus en plus d’investisseurs.

Certains y voient un sport, d’autres un spectacle… J’y vois l’appétence aux risques d’une nouvelle génération.

Le seul fait de rentrer dans « la cage » force le respect des spectateurs tant les accidents sont fréquents. Ceux qui le pratiquent se mettent donc délibérément en risque ; ceux qui le regardent acceptent l’éventualité de la blessure ou de la mort d’un des combattants. Pour les deux, le risque corporel est une réalité assumée, voire recherchée.

Bien entendu, l’engouement pour le combat au corps à corps n’est pas le seul marqueur de la modification de l’appétence aux risques que nous connaissons aujourd’hui. Cette tendance connait bien d’autres révélateurs. No rules. No kids. No retirement… Vivre sans enfants, ne plus chercher de CDI, ne plus être salarié d’une entreprise d’ailleurs et devenir son propre patron, légaliser un sport dont les règles n’empêchent qu’à demi-mot de crever les yeux de son adversaire : tout cela procède, selon moi, du même courant. Une frange de la population trouve le confort ou le divertissement en dehors des schémas traditionnels et plutôt dans un « instant présent » fort et souvent violent. Elle s’identifie aux protagonistes de Squid Game, Battle Royale ou encore Hunger Games. Elle ne se projette pas et la mort fait partie du jeu. N’est-ce pas une forme de résurgence avec de multiples acceptions du mouvement punk des années 70 où le No future pouvait être une philosophie de vie ? Aujourd’hui, cela ne deviendrait-il pas un mode de vie ?

Quel est le rapport avec notre secteur d’activité, me demanderez-vous ? Eh bien, l’assurance est fondée sur deux principes indissociables : anticiper l’aléa et s’inquiéter des conséquences de l’aléa.

Et quand on n’a rien à perdre, même pas le pari de l’avenir, pourquoi s’assurer ?!

Si l’agilité de nos entreprises assurantielles est chahutée régulièrement par les réglementations, la hausse des prestations dans tous les domaines, le ralentissement des rendements des marchés ou simplement par l’inflation (nous sommes si résilients !), elle connait aussi peut-être aujourd’hui un obstacle inédit : l’inversion de la courbe de l’aversion aux risques.

Le secteur de l’assurance a peut-être dépassé le point le plus élevé de la gaussienne. Sans nouveau marché, ni nouveaux produits, ni nouveaux clients averses aux risques… La stratégie des acteurs ne peut qu’imaginer se déplacer vers de nouveaux métiers.